jeudi 14 avril 2011

Avec des résultats qui approchent les 8 % aux dernières élections cantonales, nous ne pouvons qu'être satisfaits de notre progression dans les Pyrénées-Orientales, affirme Katia Mingo, responsable de la coordination Europe Écologie les Verts Pays catalan. "Mais la montée du Front national et les chiffres de l'abstention laissent un goût amer. Pour asseoir notre ancrage électoral, nous avons envoyé hier une lettre au Parti socialiste, au Front de gauche et au Parti radical de gauche en leur proposant de construire à nos côtés un pacte majoritaire de la gauche reposant sur la conversion écologique de l'économie, une transition énergétique, une refondation des services publics et une démocratie renouvelée". A l'image de l'effervescence suscitée par la candidature aux primaires de Nicolas Hulot (lire par ailleurs), les écologistes dans le département poursuivent leur ouverture. Pour les soutenir dans cette dynamique, Jean-Louis Roumegas, porte-parole national : "Les Pyrénées-Orientales ont présenté des candidats dans tous leurs cantons. Leur force me permet, et je parle au nom du parti entier, d'encourager leur double idée : défendre l'écologie politique et ouvrir le dialogue avec les forces de gauche". Agnès Langevine, porte-parole départementale, pousse la réflexion plus loin : "Si demain, nous voulons répondre aux attentes locales et dépasser ce que j'appelle la désespérance sociale ambiante, nous devons lancer des initiatives et entamer des débats de fond avec l'ensemble de la gauche. Nous ne cherchons pas à faire une gauche plurielle". Une affaire à suivre... dans l'attente d'une réponse...

mardi 12 avril 2011

Café politique : intervention de Raimon Obiols


Il n’est pas nécessaire de souligner la dimension historique des événements en cours. Keynes a dit que «l’inévitable n’arrive jamais, ce qui arrive c’est toujours l’inattendu. »  Que la Méditerranée concentrait toutes les antinomies de notre temps (guerre ou paix, démocratie ou autoritarisme, progrès partagé ou fracture sociale croissante, égalité ou soumission des femmes, etc.) nous le savions.
Mais l’ampleur et la rapidité des bouleversements en cours ont surpris tout le monde. Ils sont étonnants. Ils sont exemplaires pour ce qui concerne les mouvements courageux, pacifiques, pluralistes et démocratiques des peuples.
Ce sont des développements extrêmement positifs, bien que pleins d’incertitudes et de défis de grande ampleur. L’Histoire n’est pas finie, comme on a voulu nous faire croire. Nous sommes face à un nouveau tournant historique en Méditerranée.
Quelle sera la nouvelle situation résultant des processus en cours? Quelles seront les conséquences géostratégiques? Quelles seront les conséquences pour l’Europe? Et quelles seront les conséquences pour la gauche, pour les forces de progrès du Nord et du Sud de la Méditerranée?
Nous n’avons pas, nous ne pouvons pas avoir, des réponses toutes faites à ces quatre questions. Mais nous avons  besoin de les explorer et d’en discuter sans délai. Et il est nécessaire de le faire ensemble.
Il faut discuter et il faut agir.
En Tunisie et en Egypte il y a des transitions démocratiques dont l’issue n’est pas certaine. Il y a des mouvements démocratiques qui se développent dans d’autres nations. Le déroulement des événements en Libye, où une violence intolérable s’est abattue sur le peuple, aura une énorme influence.  Partout, nous devons appuyer de toutes nos forces la cause de la démocratie et des peuples.
Toutes les transitions et révolutions démocratiques sont différentes. Mais on peut tirer quelques enseignements des comparaisons, des similitudes. De toutes les analogies qui ont été proposées ces jours-ci, celle qui me semble la plus suggestive est celle qui a parlé d’un « 1848 arabe ».
Les processus actuels dans le monde arabe prennent des caractéristiques différentes selon les conditions sociopolitiques des  pays, mais il est vrai  qu’ils font penser, dans leur ensemble, aux  mouvements démocratiques du 1848 européen, avec ses protestataires jeunes, issus des milieux populaires et des classes moyennes, inspirés par les idées démocratiques, progressistes et nationalistes, entrainant une majorité des peuples.
Un historien a décrit que 1848 comme un moment où «l’histoire européenne arriva à un tournant qu’elle ne parvint pas à prendre». C’est vrai que plusieurs des révoltes du 1848 européen ont échoué. Mais il est vrai aussi que ses idées ont fini par s’enraciner dans les sociétés et ses objectifs démocratiques sont devenus des réalités.
Il faut faire tout pour qu’en Tunisie, en Egypte, et dans les autres pays secoués par la volonté populaire de changement, ce tournant démocratique ne soit pas manqué.
J’ai participé à la transition démocratique en Espagne. J’en ai appris quelques leçons.  Il y avait là, à l’époque, deux projets : Un modèle de révolution démocratique (la « ruptura democrática » des forces de l’opposition active contre la dictature) et un projet de réformes graduelles, « lampedusiennes », contrôlées par les élites du régime de Franco. Il y a eu un jeu dialectique entre ces deux projets, toujours déterminé par le rapport des forces (cette « vieille dame ») et par l’intelligence (ou la sottise) des acteurs collectifs et individuels du processus. Le résultat fut la conséquence de débordements démocratiques successifs, avec des moments de lutte et aussi des moments d’accord, de consensus national.
Plus les secteurs démocratiques sont unis, s’agrègent, s’activent, plus les accords nécessaires  sont plus avancés, et on évite les risques de récupération ou de restauration autoritaire.
Dans ces pays, outre l’exigence de dignité et de liberté, il y a l’exigence de la justice sociale et, comme disait Orwell, de la « décence commune » : l’indignation populaire face à la corruption, le train de vie des autocrates. Avec une forte composante générationnelle : le taux de chômage, le sous-emploi, les inégalités ont alimenté la révolte des jeunes.
Les élections, les changements politiques, ne suffiront pas. Il faudra produire justice sociale et perspectives d’avenir.
Tels sont les défis fondamentaux de nos amis dans les  pays en transition, et nos défis en Europe. Faciles à énumérer, très difficiles à surmonter.
En Europe nous devons pousser pour des nouvelles politiques. Il y a besoin de solidarité et d’un nouveau réalisme intelligent. Le Commissaire en charge de l’élargissement et de la politique de voisinage, Stefan Füle, l’a dit lundi au PE :
« To many of us fell prey to the assumption that the authoritarian regimes were a guarantee of stability in the region. This was not even Relpolitik. It was, at best, short-terminism – and the kind of short-terminism that makes the long term ever more difficult to build ».
Il y a quelques années, notre camarade Robin Cook, à l’époque Chancelier britannique,  avait  souligné que les relations étrangères étant une affaire d’intérêts, elles devaient aussi, pour être réalistes,  se doter d’une “dimension éthique. »  C’est cette cohérence intelligente que nous devons affirmer, face à une “realpolitik” strabique, à double langage, que nous devons dénoncer et combattre.
Robin Cook, notre camarade, ne parlait pas en vain. Il l’a montré avec sa démission du gouvernement de la Grande Bretagne, contre l’intervention guerrière en Irak. C’est de ce genre de cohérence dont nous avons besoin aujourd’hui.
Nous devons pousser pour que l’UE adopte des mesures d’appui immédiat à la Tunisie et l’Egypte. Pour exiger le rapatriement des richesses spoliées dans ces pays et leur restitution, leur mise au service des besoins des populations.
Nous devons pousser pour que la révision de la Politique de voisinage donne une claire priorité à sa dimension méridionale et s’oriente vers un objectif d’appui aux transitions démocratiques.
Concernant l’UpM, nous avons signalé, à plusieurs reprises, qu’une clarification était strictement nécessaire. Dès le début de l’UpM, notre groupe au PE a souligné sa perplexité critique face au projet: quand, au nom de M. Sarkozy, M. Jean-Pierre Jouyet (personne que d’ailleurs j’admire), à l’époque Secrétaire d’État pour les affaires européens, a présenté le projet, nous avons exprimé nos objections: Les « textes fondateurs » de l’UpM  étaient un pas arrière comparé au Processus de Barcelone en matière de réformes politiques et de DD.HH; le projet de l’UpM était un mélange d’approche intergouvernemental et « fonctionnaliste », avec des Sommets pompeux et des projets intéressants mais imprécis; il y avait confusion de rôles entre structures UpM et structures Euromed; il y avait un évident flou budgétaire.
(La réponse de Jouyet a eu recours à une certaine facilité: « il est difficile de voler plus bas que le Processus de Barcelone »,  a-t-il répondu. Hélas! Le temps a montré qu’il se trompait.)
Le Processus de Barcelone n’a peut-être pas volé à la hauteur requise par les enjeux, mais il avait (il a, si on y ajoute la Politique de voisinage) un avantage considérable: il s’agit d’un network modulable et largement « communautaire ».
À la fin de Février, à  Ankara, Sarkozy a déclaré à la presse: « Il est temps de repenser l’idée que j’avais pour l’UPM ». Et il a ajouté: « L’intuition reste la même mais on ne peut pas la construire de la même façon avec la rue arabe qui manifeste pour la démocratie alors que depuis la guerre nous avions des régimes autoritaires » (Le Monde, 28 Février 2011).
Il est difficile de concentrer tant de gaffes en si peu de mots: la personnalisation (“L’UpM c’est moi”, puisque M. Moubarak n’est plus là), la référence paternaliste à la «rue arabe » (parlerait-il a TF1 de la la “rue française”?),  l’évocation de « la guerre » comme point de départ d’un “autoritarisme” tous azimuts dans les pays du Sud, sans aucune mention aux luttes et aux responsabilités de la décolonisation, l’évocation d’une “intuition” qui demeure… Tout cela montre un trait qui souvent échappe aux critiques de M. Sarkozy: l’improvisation à la place du professionnalisme.
Il faut proposer aujourd’hui une véritable refondation de l’UpM, avec comme priorités la promotion de la démocratie, un partenariat véritable et des objectifs réalistes de progrès et de justice économique et sociale dans la région.
C’est de tout cela qu’il faudrait parler aujourd’hui. Notre famille politique doit s’activer et prendre de nouvelles initiatives. Le PSE, qui a été présidé par Robin Cook et maintenant par Poul Rasmussen, organisera à Tunis, au mois d’Avril, sa Conférence Euro-Méditerranéene. La FEPS, présidée par Massimo D’Alema,  travaille également en coordination avec des personnes et think-tanks progressistes des pays méditerranéens. D’autres initiatives doivent suivre et se coordonner, pour créer les synergies indispensables.
Au Sud et du Nord, c’est d’un même combat qu’il s’agit. Pour la liberté et la dignité, la justice sociale, la paix. Nous ne le vaincrons qu’ensemble. Et nous devons vaincre.
Raimon Obiols
Intervention à la Conférence « Méditerranée, vers  la démocratie », organisée à Rome par le Groupe Socialiste et Démocrate du Parlement Européen (02/03/2011).